Si le Cambodge possède la 8ième merveille du monde, ses habitants constituent son principal trésor. Déjà ravis par le contact avec le indiens et les balinais, nous sommes tombés sous le charme de la population khmère. Malgré des années de massacres sous le pouvoir destructeur des marxistes maoïstes Khmers rouges, les cambodgiens ont gardé le sourire et débordent de gentillesse ! Nul ne quitte ce royaume sans un sentiment d'affection et d'admiration pour son peuple.
A l'instar du Machu Picchu au Pérou, les temples d'Angkor font partie des quelques sites de la planète qui éblouissent et saisissent le visiteur dès le premier regard. Si Angkor Vat est l'expression la plus aboutie du génie khmer, nous avons été subjugués par les temples du Bayon et du Ta Prohm. A l'inverse, l'enfer de Tuol Sleng (ancienne prison et lieu de torture devenu musée) et le site d'extermination de Choeung Ek (les charniers) sont un terrifiant face à face avec les Khmers rouges et leur infernale machine de mort. Nous avons préparé cette confrontation avec le passé atroce du Cambodge en lisant des livres et en visionnant des documentaires pour tenter de comprendre. Afin d'entrevoir une part de la réalité khmère moderne, il faut se plonger au préalable dans l'Histoire de ce pays aux 2 visages : l'un pimpant, joyeux et rempli d'espoir, l'autre sombre et complexe.
Outre les 2 grandes villes que sont Phnom Penh et Siem Reap, nous avons découvert la campagne en faisant une incursion à l'est (Kompong Cham) et à l'ouest (Battambang) : la vie est difficile pour les cambodgiens qui sont encore un des peuples les plus pauvres d'Asie avec les birmans. Mais ils sont tournés vers l'avenir, tout sourire ... une belle leçon de vie !
Nous sommes partis 2 semaines en décembre en organisant notre périple quelques mois à l'avance avec l'aide d'une agence franco-khmère (basée à Phnom Penh) très professionnelle : Khuon Tour. Tout au long de notre périple, nous avons été accompagnés par des guides compétents parlant français, qui nous ont facilité la compréhension de la vie au Cambodge et nous ont permis de rentrer en contact avec la population ... Un pur bonheur !
Porte des temples d'Angkor, Siem Reap était la destination privilégiée en Asie du Sud-Est dans les années 60 et a vu défiler des voyageurs riches et célèbres. De nos jours, les touristes affluent et la ville s'agrandit de jour en jour : les habitants bénéficient de cette nouvelle prospérité et les touristes profitent du dynamisme de la cité. Nous sommes restés 4 jours bien remplis mais nous aurions aimé séjourner plus longtemps : la prochaine fois, nous y resterons une semaine pour aller et retourner dans les temples d'Angkor selon la lumière et aussi, garder plus de temps pour découvrir les curiosités de la ville.
En fin d'après midi, nous avons eu la possibilité de visiter les "Chantiers Ecoles" de Siem Reap, centre du mouvement qui s'efforce de revitaliser la culture cambodgienne traditionnelle, presque anéantie par les Khmers rouges. Ils enseignent la sculpture sur bois et sur pierre et bien d'autres techniques traditionnelles à des jeunes issus de milieux défavorisés : cet artisanat splendide est vendu sur place, dans la boutique "Artisans d'Angkor", et les bénéfices servent à financer l'école et à former d'autres adolescents. A 15 km de Siem Reap, ils possèdent aussi une magnagnerie où nous avons découvert toutes les étapes de la fabrication de la soie : culture des mûriers, nourrissage des vers, teinture et tissage. Ces visites sont gratuites et guidées par un jeune dans votre langue.
Lors de notre séjour, nous sommes allés voir dans le centre ville une pagode ancienne, le vat Bo, un endroit très zen et une autre très colorée, la vat Preah Prohm Roth. Nous avons également fait un tour au vieux marché "psar Chaa" ainsi qu'aux différents marchés de nuit dont un nouveau au bord de la rivière. Il faut arpenter le centre ville le soir (très facile en tuk-tuk ou à pied) pour s'imprégner de l'animation trépidante et boire un verre dans un des innombrables cafés. Nous avons choisi le Café de la Paix très design et branché, au sein de l'hôtel du même nom. Quant aux restaurants, ils sont nombreux et excellents, du gastro au plus simple. Enfin, un matin au réveil, nous avons vu passer un cortège funéraire du haut de notre chambre d'hôtel : la ville se réveille tôt, comme partout au Cambodge, et il faut savoir composer avec les nuisances sonores pour apprécier les aléas de la vie quotidienne.
Nous avons acheté nos forfaits 3 jours (40 $/pers.) au poste de contrôle des billets : il y a beaucoup de guichets et nous sommes passés très vite (avant 9h) malgré la prise de photo numérique. Nous avions un nouveau guide, plus jeune que Sameth : Tra, 25 ans et spécialiste des temples d'Angkor suite à une formation pointue de quelques mois. Sans suivre les itinéraires classiques, il a essayé d'optimiser les visites des temples en fonction de la fréquentation. Mais pour nous photographes, il aurait été plus judicieux de le faire aussi en tenant compte de la lumière selon l'heure de la journée ...
Nous avons débuté notre parcours par la découverte du Prasat Kravan, un petit temple plat, peu impressionnant de l'extérieur, mais qui cache de merveilleux bas-reliefs ciselés dans la brique à l'intérieur de ses 5 tours. Cette décoration intérieure est la seule qui existe à Angkor nous précise Tra. La structure, édifiée en 921 pour le culte hindou, ne fut pas commandée par un roi mais par un seigneur : ceci est inhabituel et explique son emplacement, un peu à l'écart du centre de la capitale. Une restauration partielle en 1968 a rendu leur splendeur aux sculptures en brique : dans la tour centrale, une des représentations de Vishnou montre la divinité chevauchant Garuda ... Superbe !
Ensuite, nous avons visité notre premier temple-montagne, le Pre Rup. Construit par la roi Rajendravarman II en 961, le temple comprend 5 tours au dernier de ses 3 niveaux. Tra nous explique que les soubassements et les murs sont en latérite, une pierre volcanique, alors que les sanctuaires sont en brique et en grès. Autrefois couvertes d'un enduit de stuc, les tours en conservent des fragments : des linteaux portent des sculptures d'une remarquable finesse. Pre Rup signifie "tourner le corps" et fait référence à une méthode traditionnelle de crémation, ce qui laisse supposer que le temple fut l'un des premiers crématoriums royaux ... une légende selon notre guide !
Nous prenons la route direction nord-est pour rejoindre, à une vingtaine de kilomètres, Banteay Srei, un des joyaux de l'art angkorien. Ce temple hindou dédié à Shiva est taillé dans du grès rose (de meilleure qualité que le gris) qu'on ne trouve plus de nos jours. La construction de l'édifice débuta en 967 et, chose rare à Angkor, fut commandée par un Brahmane (peut-être un précepteur du roi Jayavarman V). C'est au Banteay Srei que l'Ecole Française d'Extrême-Orient (EFEO) effectua sa première restauration d'envergure en 1930, suivant la méthode d'anastylose, une reconstitution à l'identique avec les éléments retrouvés sur place et les matériaux d'origine. Le site est remarquablement conservé : il comporte de nombreuses sculptures en 3 dimensions, des bibliothèques aux somptueux frontons (corniches sculptées au-dessus des linteaux) décorés de scènes du Ramayana et trois tours centrales, ornées de dieux, de déesses et de splendides bas-reliefs en filigrane. Nous avons apprécié la finesse exceptionnelle des sculptures, mises en valeur par des teintes rosées au soleil, rendant encore plus gracieuses les femmes sculptées vêtues de jupes traditionnelles.
En début d'après midi le premier jour, nous sommes allés à 15 km à l'est de Siem Reap, pour visiter les monuments de Roluos, près de la petite ville moderne du même nom. Ils faisaient partie de la capitale du roi Indravarman Ier : édifiés à la fin du IXième siècle, ils comptent parmi les premiers grands temples permanents érigés par les khmers et marquent le début de l'art khmer classique. Avant la construction de Roluos, on utilisait des matériaux légers et moins durables, comme la brique. Le groupe de Roluos comporte le Lolei, un temple-île dédié aux ancêtres du roi Yasovarman Ier, le Preah Ko, un temple plat dédié à Shiva et le Bakong, un temple-montagne, le plus grand et le plus intéressant du groupe.
Le Lolei a été construit par Yasovarman Ier qui succéda à Indravarman Ier à la fin du IXième siècle : celui-ci déplaça la capitale à Angkor mais fit élever les 4 tours en brique du Lolei, répliques quasi identiques des tours du Preah Ko. Dans les niches des temples, des sculptures en grès méritent le coup d'oeil. Les tours-sanctuaires dotées d'une signification religieuse ou royale, les "prasat" du Preah Ko sont alignées sur 2 rangées, ornées de bas-reliefs et gardées par des lions. Il y a également des taureaux sacrés, des "nandi", en assez mauvais état qui se dressent devant les tours. Enfin, le Bakong dédié à Shiva par Indravarman Ier, constituait le temple principal de la cité : il symbolise le mont Meru, montagne mythique considérée comme l'axe du monde et la demeure des dieux dans la tradition hindoue. L'ensemble se compose d'une pyramide centrale en grès à 5 niveaux, flanquée de plusieurs petites tours et des éléphants en pierre ornent les angles des 3 premiers niveaux.
Un matin, nous sommes montés sur le Ta Keo dont la tour centrale culmine à 50 m (belle vue sur la forêt) : bâti par Jayavarman V, il est dépourvu d'ornement car il ne fut jamais terminé, à cause de la mort du roi. Ta Keo est typique des temples-montagnes d'Angkor, 4 tours aux angles d'un carré et une 5ième au centre. Ce fut le premier bâtiment d'Angkor entièrement en grès. Pour compléter notre passage aux alentours d'Angkor Thom, nous avons fait halte au Thommanon, un tout petit temple plat (sans attrait) consacré à Shiva et Vishnou datant du XIIième siècle, sous le règne de Suryavarman II. En fin de matinée, nous avons gravi les pentes du Phnom Bakeng, une colline qui abrite un temple-montagne royal édifié par Yasovarman Ier, un peu décevant. Très prisé au coucher du soleil et attirant les foules, nous avons préféré venir dans la journée pour apprécier la vue à 400 m de hauteur : on a aperçu Angkor Vat et on a eu la chance d'assister à une cérémonie près du sanctuaire central.
Nous avons débuté une journée en rejoignant 4 temples situés au nord d'Angkor Thom. Tout d'abord, le Mébon oriental, un temple-île hindou du Xième siècle dédié aux ancêtres du roi Rajendravarman II. Autrefois, il trônait au milieu du Baray oriental, un réservoir gigantesque alimenté par la rivière Siem Reap. Aujourd'hui, le Baray est asséché et le Mébon ressemble à une version réduite du Pre Rup. A la base du temple, des éléphants de pierre superbement sculptés gardent chaque angle. Ensuite, nous avons découvert avec ravissement le Ta Som, un temple bouddhique bâti par le roi Jayavarman VII à la fin du XIIième siècle et dédié à la mémoire de son père. Les entrées sont surmontées de tours portant 4 visages splendides, chacun faisant face à un point cardinal. Nous avons rencontré pas mal d'enfants adorables qui vendaient des cartes postales et des livres : leur fragilité contrastait avec la majesté des lieux, magnifiée par une végétation envahissante, à l'image de cet arbre énorme qui emprisonne le "gopura" oriental, un des pavillons d'entrée du Ta Som.
Avant de nous émerveiller devant le superbe Preah Khan, nous avons fait halte au Preah Neak Pean, un temple-île dans une île construit par Jayavarman VII à la fin du XIIième siècle. Pour y accéder, il faut marcher le long d'une passerelle en bois au-dessus des marais. Le temple des "nâga" enchevêtrés (serpents mythiques, souvent à plusieurs têtes) comporte un grand bassin carré entouré de 4 bassins plus petits. Au centre du grand bassin, une île circulaire est entourée des queues entremêlées de 2 nâga. A cause de la forte mousson de l'automne, l'eau a envahi le site et des barrières interdisent un accès plus rapproché, d'où notre déception. Nous finissons la matinée par la visite du Preah Khan (Epée sacrée) qui figure parmi les plus grands ensembles d'Angkor. Notre guide Tra nous précise que 18000 personnes y vivaient. Dédale de couloirs voûtés, de sculptures raffinées, de pierres couvertes de lichens ou envahies par la jungle, il a été érigé par Jayavarman VII et lui servit probablement de résidence pendant la construction d'Angkor Thom. Le site est très étendu mais le temple lui-même n'occupe qu'un rectangle de 700 m sur 800 : nous sommes rentrés par la porte est pour sortir par celle de l'ouest en passant par des chaussées de procession bordées d'une magnifique représentation du Barattage de la mer de lait (pour élaborer la liqueur de la vie éternelle) ... Mais la plupart des têtes ont disparu car Jayavarman VIII rejeta le bouddhisme pour le culte hindouiste ! Le mur d'enceinte extérieur est ponctué de garuda tous les 50 m et nous avons eu une belle surprise en entrant par l'est : le mur de soutènement est envahi par les racines monstrueuses et entremêlées de 2 arbres ... une impressionante expression de la force de la nature ! A l'intérieur du temple, qui fut un centre de culte et d'enseignement, de nombreux et délicats bas-reliefs ont survécu comme ces "apsaras" (nymphes ou danseuses célestes) et nous découvrons une étonnante structure de style grec à 2 étages qui servait de bibliothèque.
Durant tout un après midi, nous avons visité la cité fortifiée d'Angkor Thom (grand Angkor ou grande cité). Portant le "monumental" à un niveau encore jamais atteint, la dernière capitale de l'empire khmer couvre plus de 10 km2 et fut construite par le plus grand souverain d'Angkor, Jayavarman VII. A son apogée, Angkor Thom aurait compté 1 million d'habitants et elle doit son caractère grandiose à la somme des éléments qui la composent : le Bayon, le Baphuon, la terrasse des Eléphants, pour ne citer que les plus importants. Tous ses éléments sont entourés d'un rempart carré long de 12 km, lui-même ceinturé de douves de 100 m de largeur : il s'agit là encore d'une représentation démesurée du mont Meru entouré par les océans. Nous avons pénétré à l'intérieur de la cité par la porte sud, une des 5 portes monumentales qui percent les remparts : hautes de 20 m, elles sont surmontées par 4 gigantesques visages de Lokeshvara, le bodhisattva de la Compassion, veillant sur le royaume. C'est vraiment impressionnant et il est agréable de s'attarder sur la chaussée devant la porte sud où des statues géantes entièrement restaurées (la plupart de leurs têtes sont des copies), évoquent superbement la légende du barattage de la mer de lait.
Temple-montagne royal, le Bayon est un fantastique et fascinant temple d'Etat, empreint de sérénité : sa splendeur incarne le génie créatif et l'ego hypertrophié du roi légendaire de l'Empire khmer, Jayavarman VII. La structure comporte 3 niveaux : les 2 premiers, carrés et ornés de bas-reliefs, mènent au troisième, circulaire, où se dressent les 54 tours aux 216 visages. Ces visages monumentaux de Lokeshvara au sourire énigmatique sont à la fois sévères et compatissants : ils symbolisent la puissance, l'autorité et la bienveillance, qualités indispensables pour gouverner un vaste empire. Où que l'on soit dans le temple, on est environné de visages de face, de profil, à hauteur d'homme ou en surplomb ... la magie opère malgré le flot de visiteurs. Il ne faut pas oublier pour autant les célèbres bas-reliefs qui couvrent le mur extérieur du premier niveau et dépeignent des scènes de la vie quotidienne au XIIième siècle (rare que le peuple soit représenté dit notre guideTra). Nous avons admiré les sculptures les mieux conservées : la défaite des Chams, la bataille navale et le défilé militaire.
Entrés par le sud, nous quittons à regret le Bayon du côté nord pour poursuivre à pied notre balade dans Angkor Thom. Nous avons été très déçus par le Baphuon dont la restauration par anastylose, reprise en 1995, avait défrayé la chronique de par l'ampleur de la tâche. La structure centrale s'élève à 43 m mais est dépourvue de sculptures, et le mur de soutènement du côté ouest, en forme de bouddha couché long de 60 m, est décevant ! Nous avons ensuite rejoint la terrasse des éléphants : longue de 350 m, elle servait de tribune géante pour les cérémonies publiques. Ses murs de soutènement sont décorés par des garuda (créatures mythiques mi-hommes, mi-oiseaux) et par la célèbre parade des éléphants, menés par des cornacs. Enfin, nous avons traversé la forêt pour atteindre le Tep Pranam, un temple en ruines mangé par la végétation. Nous avons croisé les habitants qui vivent à proximité et vu un moine bénissant un couple et son scooter en les arrosant d'eau.
L'agence Khuon Tour avait inclus dans son tarif (d'un excellent rapport qualité/prix) un dîner à Siem Reap. C'est un restaurant immense (l'Amazon) qui propose un buffet (correct) tout en regardant un spectacle. Notre table, réservée à côté de la scène, nous a permis de faire des photos de près d'une série de 5 danses cambodgiennes : celle des souhaits et de bienvenue, celle des noix de coco qui accompagne les cérémonies nuptiales, la danse de Mekhala qui symbolise la victoire du bien sur le mal, celle des pêcheurs, une danse rurale de divertissement, très mignone leçon d'amour et de courtoisie, et enfin, le ballet des apsaras (mi-femmes, mi-déesses, danseuses célestes) qui se déroule pendant les cérémonies d'offrandes. Destiné avant tout aux touristes, ce spectacle n'en reste pas moins gracieux et charmant.
En tout début de matinée, nous avons découvert avec ravissement le Ta Prohm, temple en ruines abandonné à la jungle, donnant une très bonne idée de l'aspect des monuments lors de l'arrivée des premiers explorateurs. Construit vers 1186 et alors appelé "Rajavihara", monastère du roi, le Ta Prohm était un temple bouddhique dédié à la mère de Jayavarman VII. Aujourd'hui protégé de la végétation envahissante, il ne conserve que les énormes fromagers qui enserrent les pierres de ses tours et de ses murs qui ne tiennent plus que grâce à l'entrelacs des racines. Nous avons été époustouflés par la puissance de la jungle, notamment à l'entrée est où l'enceinte centrale est étranglée par une racine particulièrement spectaculaire, surnommée "arbre-crocodile" (c'est un fromager dit Tra). Il y a aussi un fromager mort emprisonné par un ficus au milieu des tours, des cours fermées et des couloirs étroits. On se promène avec émoi parmi les pierres délicatement sculptées, démantelées par la jungle victorieuse, et on est à maintes reprises surpris par une racine géante qui enlace les porches, les bas-reliefs et les murs ventrus du sanctuaire.
Comme nous étions souvent en position de contre-jour à cette heure de la journée, nous avons tenté de revenir (avec le pied photo) en fin d'après midi. Vers 17h30, alors que les temples fermaient, j'étais en train de négocier une brève visite avec le policier de service : refusant au début, il finit par céder devant mon insistance et ma promesse de ne rester que devant l'arbre-crocodile, à l'entrée est du Ta Prohm. Nous étions ravis de cette aubaine, tels des enfants, et avons bien remercié le policier avant de repartir. Décidément, les cambodgiens sont vraiment formidables !
C'est le troisième jour que nous avons consacré tout un après midi au plus illustre des temples d'Angkor, Angkor Vat. Temple-montagne dans toute sa perfection, il est généralement considéré comme le plus vaste édifice religieux du monde et n'a jamais été laissé à l'abandon. Fusion spectaculaire de symbolisme, de symétrie et de spiritualité, ce chef-d'oeuvre d'ordonnance hérissé de tours et entouré de douves est le symbole majestueux et durable de la dévotion d'un homme à ses dieux : Suryavarman II est le légendaire bâtisseur d'Angkor Vat, temple funéraire en l'honneur de Vishnou, la divinité hindoue à laquelle le souverain s'identifiait (comme un avatar). Tra notre guide nous explique qu'un texte à l'intérieur du temple central indique que la dépouille du roi s'y trouvait en position foetale, tête en bas, mais rien n'a été retrouvé. Exceptionnellement orienté à l'ouest, symbolisant la mort mais aussi souvent associé à Vishnou, les spécialistes pensent qu'Angkor Vat servit à la fois de temple et de mausolée à Suryavarman II.
Nous pénétrons par l'ouest, en marchant sur une longue chaussée en grès qui enjambe la douve, large de 190 m, et en passant par l'intérieur de la tour à droite où se tient une statue de Vishnou (haute de 3m25) à 8 bras. Puis, nous parcourons une longue et large allée bordée de balustrades en forme de nâga avant de passer entre 2 bassins pour atteindre le temple central. J'avoue avoir été un peu déçue par la présence d'échafaudages qui nuisaient à la somptueuse unité de l'ensemble ... Mais de ravissantes apsaras ont vite éclipsé cette contrariété : elles sont plus de 2000, comme les 2000 femmes de Krishna, avatar de Vishnou, et toutes sont uniques, avec plus de 1300 coiffures différentes précise Tra. Une file d'attente (très courte) est nécessaire pour monter au toisième et dernier niveau du temple central situé au milieu d'une place, entourée d'un labyrinthe de galeries, comme celle des Mille Bouddhas qui ne conserve que très peu de statues (sans tête). Des tours coiffées d'un dôme en forme de bouton de lotus occupent les angles des deuxième et troisième niveaux, et la tour centrale vient couronner le tout, parachevant la symétrie. Enfin, ne manquez pas les extraordinaires bas-reliefs à l'extérieur du temple central : la frise s'étire sur 800 m en faisant le tour du sanctuaire et il reste des traces de la peinture rouge d'origine. La plupart des bas-reliefs datent du XIIième siècle mais plusieurs ont été achevés plus tard, sans doute au XVIième, et sont moins raffinés. Nous avons aimé les galeries décrivant les épopées hindoues du Mahabharata et du Ramayana, celles des évènements du règne de Suryavarman II et bien-sûr, la frise la plus célèbre d'Angkor Vat, le Barattage de la mer de lait où les dieux et les démons fouettent la mer afin d'en extraire l'elixir de l'immortalité.
Le quatrième et dernier jour, nous sommes partis pour 2h de route jusqu'à Phnom Kulen, la montagne la plus sacrée du pays pour les khmers. Inutile d'avoir le forfait d'Angkor mais, pour les touristes étrangers, il y a un péage assez coûteux (20 $/pers., inclus dans notre tarif agence) dont pas un sou ne revient à la conservation du site. Phnom Kulen est un lieu de pélerinage fréquenté et nous avons pu observer des familles se faire bénir en échange d'un sac de riz et autres offrandes au bonze. Le site a joué un rôle important dans l'histoire de l'Empire khmer : c'est ici que Jayavarman II se proclama "devaraja", dieu-roi (culte du roi divin qui confère au monarque un pouvoir absolu), en 802 et annonça l'indépendance du royaume par rapport à Java, donnant ainsi naissance au Cambodge. Juché sur un rocher à 487 m au sommet, le petit vat abrite un grand bouddha couché taillé dans le rocher en grès qui le supporte. Même si l'endroit est bétonné, l'intérieur du sanctuaire dégage une atmosphère sereine et paisible. Les alentours en pleine jungle sont l'occasion de rencontrer la population qui tient les stands de nourriture et de souvenirs. La route (en terre, pleine d'ornières) serpente dans la forêt sur 20 km de montée et débouche sur un plateau : là, nous avons pu voir quelques sculptures et des "linga" (symboles phalliques, emblèmes du pouvoir royal) taillés dans le lit de la rivière. Ce fut une maigre consolation pour ne pas avoir eu le temps de rendre visite à Kbal Spean, la rivière aux Mille Linga (dont l'accès est compris dans le billet d'Angkor que nous n'avions que pour 3 jours). Un peu après le plateau, un embranchement sur la gauche mène à une belle cascade et à des piscines naturelles alors que celui de droite conduit au temple.
En quittant Siem Reap un matin pour rejoindre Battambang à l'ouest, nous avons fait halte à une dizaine de km (20 mn de route) pour découvrir le village flottant de Chong Kneas. Notre agence Khuon Tour avait fait le nécessaire pour louer une embarcation motorisée (nous avions un bateau pour nous seuls). Même si le village est très fréquenté par les touristes, il n'en demeure pas moins une belle surprise : quel étonnement de voir les gens vaquer à leurs occupations quotidiennes comme s'ils vivaient sur la terre ferme. Nous avons observé les enfants écoutant leur maîtresse en classe, portes grandes ouvertes (comme toutes les maisonnettes), les habitants qui circulent en pirogue et font leurs courses ainsi, d'autres qui se lavent sur le pas de leur porte au bord de l'eau, ou encore cet homme flânant dans son hamac. Et des scènes de vie à croquer comme cet écolier en uniforme ramant sur sa barque ou encore cette toute petite fille, de dos, accroupie, qui joue les fesses à l'air à quelques cm de la rivière ! Il y a même une belle église bleue et d'anciennes tombes chinoises à moitié immergées qui semblent surgir de l'eau telles des fantômes. Certains pêcheurs khmers et vietnamiens de Chong Kneas élèvent des crocodiles qu'ils retiennent dans des cages plongées dans les eaux du lac Tonlé Sap, le plus vaste lac d'eau douce de l'Asie du Sud-Est. Une escapade fluviale bien agréable qui nous a permis de voir une autre facette du Cambodge.
Quatrième destination touristique du pays, Battambang, au bord de la rivière Stung Sangker, est une cité au charme désuet et à l'architecture coloniale bien préservée. La résidence du gouverneur, couleur jaune moutarde, est un bel héritage du début de XXième siècle mais elle est fermée au public. Tout près, le vieux pont français est désormais réservé aux piétons et aux 2 roues. Les temples bouddhiques sont très anciens : le vat Phiphetaram sur la rive ouest est doré et coloré tandis que le vat Kandal, sur la rive est, est tout de pierre ouvragée. Nous avons pu visiter une usine de décortication de riz en activité mais qui semble à l'abandon tant elle est envahie de poussière ... stupéfiant ! Et aussi, un atelier de fabrication de petits fours à charbon où les enfants s'amusent à côté de leurs parents qui travaillent. Enfin, nous avons mangé dans de bons restaurants, notamment ceux de certains hôtels, ce qui contribue à la sensation de bien-être dans cette ville nonchalante.
Lors de notre séjour à Battambang (2 nuits), nous sommes partis aux alentours voir deux temples : tout d'abord, nous avons grimpé les 358 marches de l'escalier en pierre qui mène à Phnom Banan (suivis par des enfants qui nous évantaient) pour atteindre les 5 tours du prasat Banan. Construit au XIième siècle par Udayadityavarman II (qui érigea le Baphuon à Angkor Thom), son emplacement à flanc de colline offre une vue dégagée sur la campagne environnante ... où on a vu un panneau posé sur un arbre avec l'inscription en khmer et en français "Danger !! Mines !!". Parmi les linteaux sculptés et les bas-reliefs (les plus beaux étant au musée de Battambang), nous avons rencontré des cambodgiens venus prier.
En chemin pour le second temple sur la colline de Phnom Sampeau, nous avons fait des photos de ces fameuses tentes colorées installées au bord de la route à l'occasion d'un mariage : des tables garnies de boissons et des chaises en plastic recouvertes de tissu attendaient les invités. Toujours très kitsch et dotés d'une sono criarde, ces espaces à même le sol empiètent sur la chaussée en toute insécurité.
Phnom Sampeau regroupe plusieurs temples et des pagodes modernes : des macaques se baladent sur le site au milieu des bouddhas. Nous sommes descendus jusqu'aux grottes-charniers, lieu de pélerinage, où un bouddha couché ainsi qu'un vieil homme veillent paisiblement sur un mémorial vitré, rempli de crânes et d'ossements de victimes matraquées par les Khmers rouges avant d'être précipitées dans le vide.
Près de Battambang, une expérience singulière vous attend : le lorry (ou norry) ou, plus poétiquement, le bamboo train cahote et cliquète sur des rails voilés et des ponts laissés par les français, au milieu des champs et des rizières. Il est très utilisé par les kmers qui s'y installent avec leurs marchandises ; les touristes peuvent en louer un pour parcourir un petit tronçon. Chaque bamboo train se compose d'un plateau en bois long de 3 m, entièrement couvert de fines lattes de bambou et posé sur un boggie dont l'essieu arrière est relié à un moteur à essence par des courroies de ventilateur. C'est un plaisir de voir les conducteurs préparer leurs engins et un moment mémorable d'assister au démontage rapide du lorry quand deux d'entre eux se croisent sur cette ligne à voie unique ! Comme les véritables trains cambodgiens se traînent littéralement, cela laisse largement le temps de démonter le norry ... en cette fin d'après midi, nous n'en avons pas croisés. A une vitesse de croisière de 15 km/h, assis sur le tapis recouvrant les lattes de bambou, il faut "s'accrocher" et ne pas craindre les secousses : le bamboo train nous a amenés jusqu'à une usine de briques, où nous avons pu pénétrer dans les fours circulaires. Là, des familles vivent près de la voie ferrée et nous avons fait la connaissance d'enfants très espiègles ! Puis retour en sens inverse, après avoir postionné le bamboo train dans la bonne direction et attendu que d'autres arrivent avec leurs passagers ... des touristes hilares ou des habitants serrés les uns contre les autres au milieu de leurs paquets.
Autre village flottant sur le lac Tonlé Sap, nous avons fait halte à Kompong Luong (près de Pursat) sur notre route pour rejoindre la capitale. Comme à Chong Kneas, la population est en partie d'origine vietnamienne et ce sont des pêcheurs. Une embarcation à moteur (rien que pour nous) avait été louée par notre agence et on nous a promenés dans cette sorte de Venise sans terre ferme où se succèdent les magasins, les maisons colorées, les bassins à poissons et la fabrique de glace. Tout est maintenu à la surface par des coques de bateaux, des tonneaux, des pneus ou des radeaux en bambou comme la pagode toute pimpante. Parfois des mauvaises odeurs s'exhalent de ces eaux à la couleur suspecte, mais les sourires des enfants et les scènes de vie cocasses font vite oublier ce désagrément.
De Battambang, nous avons fait la route de retour en une journée vers la capitale en passant par Pursat. Connue pour ses sculptures en marbre, la ville est proche du village flottant de Kompong Luong mais ne présente guère d'intérêt : nous avons juste eu l'occasion de prendre quelques clichés de la mosquée cham et des ruines du barrage de l'époque khmère rouge.
Après la viste de Kompong Luong et avant d'atteindre Phnom Penh, nous avons visité Udong, la "Victorieuse", capitale du Cambodge entre 1618 et 1866. Le site sur une colline (où plusieurs souverains furent couronnés) est jaloné de stupas et de viharas. Les stupas contiennent les dépouilles des rois (comme celui orné de 4 visages) ou les reliques du Bouddha alors que les viharas abritent des statues (taureau sacré ou bouddhas). Pendant tout notre parcours, nous avons été suivis par un groupe d'enfants à qui nous avons offert des babioles venues de France. Un petit geste rituel qui nous permet de mieux entrer en contact ...