C'est un voyage fatiguant dont la diversité nous a permis de mieux comprendre la vie des péruviens et de certaines tribus indigènes comme celles du lac Titicaca. Par contre, nous n'avons pas pénétré dans le morceau d'Amazonie que nous avons survolé en arrivant de France ... ce sera l'occasion d'un autre périple.
Ce pays andin est très pauvre : plus de 50% de la population vivrait au-dessous du seuil de pauvreté dont une écrasante majorité de paysans "indigenos" (le terme approprié pour dire "indiens"). Il va de soi que dans ces conditions l'accès à l'éducation est restreint, et nous l'avons constaté dans notre approche de chaque jour.
A notre arrivée, un nouveau président (parti de gauche) prenait ses fonctions et voulait combattre la pauvreté, la corruption et les inégalités ... problèmes insurmontables selon les dires de certains mais, être péruvien a toujours nécessité un grand sens du défi comme pendant cette sombre période du Sentier Lumineux qui fit des milliers de morts entre 1980 et 1990.
Pour notre plus grand bonheur, nous avons ressenti cet optimisme et ce courage en nouant des contacts avec des péruviennes et un religieux français à l'action admirable dans un bidonville de Lima.
Avant d'arriver à Puno, nous avons demandé à notre chauffeur de nous arrêter à Sillustani où des tours funéraires sont érigées sur les collines au bord du lac Umayo. Les Colla, un peuple guerrier de langue aymara, enterraient leurs nobles dans des "chullpas", des tours imposantes (la plus haute atteint 12 m) qui contenaient les dépouilles de familles entières, avec de la nourriture et des biens pour leur voyage dans l'autre monde. A une altitude de 3830 m, Puno est une ville affairée au charme désordonné dont le principal atout est d'être au bord du lac Titicaca : selon une croyance andine, ce lac a donné naissance au soleil ainsi qu'à Manco Capac et à Mama Ocllo, le père et la mère de tous les Incas. Nous avons fait une excursion d'une journée en bateau colectivo (très lent, bondé et problème de sécurité) vers le îles Uros et Taquile mais la durée du trajet s'est avérée beaucoup trop longue par rapport au temps passé sur les îles ! Nous vous conseillons de dormir à Taquile au moins 1 ou 2 nuits pour apprécier la vie sur place. Habitée depuis des millénaires, l'île compte environ 2000 habitants qui parlent quechua au contraire des autres communautés insulaires de langue aymara : les hommes portent un bonnet en laine qu'ils tricotent eux-mêmes, rouge pour les hommes mariés, rouge et blancs pour les célibataires ; quant aux femmes, elles portent de nombreuses jupes superposées. Les îles Uros sont des îles flottantes fabriquées avec des roseaux légers, les "totora", qui poussent en abondance dans les bas-fonds du lac : composé de nombreuses couches de totora, le sol des îles est complété en surface à mesure que les couches inférieures pourrissent. La vie des Uros est ainsi indissociable de ces plantes, en partie comestibles, qui servent aussi à réaliser leurs maisons, leurs bateaux et l'artisanat vendu aux touristes. Norma nous a montré sa maison et nous lui avons acheté un tissu coloré (avec la "Pachamama", déesse de la Terre, Terre Mère, épouse d'Inti, le dieu du Soleil) qu'elle a brodé elle-même. Enfin, ne manquez pas de monter au sommet du Cerro Huajsapata, une petite colline au-dessus de la Plaza de Armas de Puno, coiffée d'une grande statue blanche du premier Inca, Manco Capac : la vue est superbe au coucher du soleil.
Conseillés par une employée à la réception de notre hôtel à Puno, nous avons engagé un "chauffeur" pour nous balader toute une journée sur la rive sud du lac Titicaca : l'itinéraire traverse des villages bucoliques, offre de vues remarquables sur le lac et nous a permis de rencontrer des habitants de la région moins habitués aux touristes. Nous avons d'abord fait une halte au village d'Ichu lové dans une vallée verdoyante : son cimetière coloré vaut le détour. Puis, c'est à Chucuito que nous avons visité le surprenant "Templo de la Fertilidad" avec ses grands phallus de pierre dont certains atteignent 1 m 20 de haut. Le village possède aussi 2 belles églises coloniales comme celui d'Acora où nous avons bavardé et rigolé avec des femmes qui tricotaient sur la place centrale. Nos petits cadeaux français leur ont bien fait plaisir. Enfin, nous avons rejoint Juli, surnommée la "pequeña Roma" (petite Rome) du Pérou à cause de ses 4 églises coloniales : 2 sont tranformées en musées et renferment des peintures richement encadrées de l'Escuela Cuzqueña" (Ecole de Cuzco). Nous avons aussi vagabondé dans la feria (marché) qui a lieu tous les mercredis à Juli (le plus grand marché de la région s'y tient le dimanche) : l'occasion de cotoyer une population sympathique mise à part certaines personnes âgées très vindicatives à notre égard (par rapport aux appareils photo).
Nous voilà partis pour Cuzco : depuis Puno, la route grimpe jusqu'au col andin d'Abra la Raya à 4335 m d'altitude où une petite église cotoie des rails de chemin de fer. Une halte nous permet d'admirer la vue sur les montagnes enneigées. Plus tard, nous parvenons au joli site de Raqchi où des ruines incas ont été restaurées dans un cadre enchanteur. A côté, sur la place du village, les habitants qui excellent dans l'art de la poterie vendent leurs créations à des prix dérisoires. Nous arrivons ensuite à Andahuaylillas, célèbre pour son église jésuite : surnommée localement la "chapelle Sixtine" d'Amérique latine, elle est fabuleusement décorée dans le style "baroque andin", un baroque aux influences indiennes. Elle contient une profusion de sculptures et de peintures (en cours de restauration - photos interdites) dont une toile attribuée à Esteban Murillo représentant l'Immaculée Conception. Enfin, nous stoppons un bref instant pour photographier l'immense porte inca de Rumicolca.
L'effet enchanteur de Cuzco est immédiat : là serait en effet le nombril du monde, "qosq'o" en quechua, la plus ancienne ville d'Amérique du Sud ayant été continuellement habitée. Dans une cité aux multiples visages où se mêlent l'art, la religion, la musique, l'architecture et la cuisine, nous avons été conquis par l'ambiance joyeuse et désordonnée dans les rues pavées conçues jadis pour la circulation des lamas. L'histoire vous fera un clin d'oeil à chaque coin de rue : le roi inca Pachacutec, urbaniste avisé, donna à la ville sa célèbre forme de puma, dévia les cours des fleuves afin qu'ils la traversent et fit bâtir le célèbre temple de Qorikancha et son palais. Aujourd'hui, on visite ces ruines incas sur la plazoleta Santo Domingo. Outre la Plaza de Armas, sa cathédrale et ses églises (acheter le billet touristique religieux), Cuzco possède d'autres jolies places et des quartiers débordant de vie comme celui du marché San Pedro et celui de San Blas, le coeur bohème de la ville. C'est en vadrouillant au sein du marché central de San Pedro que nous avons été abasourdis par les victuailles en vente comme les museaux de vaches, les grenouilles et autres curiosités qui ont été l'occasion d'insolites prises de vues ! Enfin, nous avons testé des restaurants délicieux où les combinaisons novatrices entre les influences internationales et l'incroyable éventail des produits locaux ont bouleversé le monde gastronomique cusqueño.
En achetant le "boleto turistico", le billet touristique valable 10 jours, vous aurez accès à de nombreux sites autour de Cuzco mais aussi dans toute la Vallée Sacrée (Pisac, Ollantaytambo ...). Grâce à ce sésame, nous avons assisté à un spectacle de danses et de musiques andines organisées au Centro Qosqo de Arte Nativo (tous les soirs de 19 à 20h). Très touristique, le spectacle reste de bonne qualité, haut en couleurs et porté par de jeunes artistes enjoués.
Le site de Sacsayhuaman se situe à moins de 2 km de la Plaza de Armas de Cuzco, mais il est plus reposant de faire le trajet en taxi qui vous dépose à l'entrée des ruines et vous récupère de l'autre côté, à la sortie. Cet immense ensemble de ruines, important tant sur le plan religieux que militaire, est le plus imposant des environs de Cuzco : pourtant, il ne reste que 20% des constructions d'origine, les espagnols ayant abattu nombre de murs pour bâtir leurs propres demeures à Cuzco. Sur place, nous découvrons avec stupeur des blocs de pierre pesant plus de 300 tonnes magnifiquement encastrés pour former les principaux remparts. Pachacutec, le neuvième Inca, qui donna à Cuzco la forme d'un puma, conçut Sacsayhuaman comme la tête de l'animal : les impressionnantes fortifications en zigzag symbolisant les dents. En face, se dresse la colline de Rodadero avec ses beaux rochers polis et ses bancs de pierre surnommés "trônes de l'Inca". De là-haut, la vue sur la ville (à 3326 m d'altitude) est spectaculaire.
En partance pour la Vallée Sacrée, nous nous sommes arrêtés aux 3 petits sites proches de Cuzco sur la route de Pisac (entrées sur présentation du boleto turistico) : Q'enqo, Pukapukara et Tambomachay, ce dernier étant le plus intéressant avec son bain cérémoniel et ses fontaines toujours en service. A 33 km de Cuzco dans la vallée de l'Urubamba, Pisac est très connu pour son marché d'artisanat, le plus grand de la région : il envahit tous les jours la Plaza de Armas et les rues voisines. Nous nous sommes régalés à la rencontre des habitants qui descendent des villages alentours pour vendre leurs produits. Nous avons goûté aux empanadas fourrées au fromage, aux tomates et oignons, tout juste sorties d'énormes fours d'argile disséminés dans le village ... un régal. Puis, nous sommes montés (en voiture) visiter la forteresse inca de Pisac, perchée sur un piton rocheux : ce lieu imposant gardait non seulement la vallée de l'Urubamba, mais aussi un col donnant accès à la jungle. Le site est spectaculaire, au sommet de la colline qui domine le village, entouré de cultures en terrasses formant de grandes courbes gracieuses sur les flancs de la montagne. Nous avons suivi un sentier à pic, traversé un tunnel creusé dans la roche pour aboutir au centre cérémoniel composé d'un "intihuatana", un poteau d'ancrage du soleil, instrument inca d'observation astronomique ... Prévoyez 2 bonnes heures pour parcourir la citadelle.
Nous faisons étape pour 2 nuits à Ollantaytambo dans la Vallée Sacrée : ce bourg aux étroites ruelles pavées constitue un bel exemple préservé de l'urbanisme inca et c'est un plaisir de se balader dans ce labyrinthe parsemé de canaux d'irrigation. La route s'arrête peu après "Ollanta", comme ils disent ici, et c'est en train que nous rejoindrons Aguas Calientes et le Machu Picchu. D'imposantes ruines incas disséminées sur d'immenses terrasses escarpées dominent le village et c'est aux pieds de cette forteresse que les conquistadors perdirent une bataille majeure. Nous avons eu la chance de pouvoir la visiter à 2 moments différents (en précisant à l'entrée du site que nous étions "photographes") : en fin d'après midi quand la citadelle est à l'ombre et qu'il y a plein de monde et le lendemain matin à l'ouverture pour profiter de l'ensoleillement et du peu de touristes.
Aux alentours d'Ollantaytambo, nous avons découvert un endroit extraordinaire qui n'a pas changé depuis l'époque inca : à Salinas, des milliers de puits salants servent à l'extraction du sel. Un petit cours d'eau très salée provient d'une source chaude au sommet de la vallée et, dévié vers les puits, il permet de récolter le sel après évaporation (ensuite, les ouvriers ajoutent de l'iode). Nous nous sommes promenés toute une matinée au milieu des salines jouant avec les reflets de l'eau, les juxtapositions de couleurs, les dessins formés par les cristaux et les jolies perspectives des puits agencés sur le flanc de la colline. Non loin de là, nous avons rejoint les terrasses de Moray étagées en de profonds amphithéatres : les Incas les auraient utilisées comme laboratoire afin de déterminer les conditions optimales pour leurs différentes cultures. En effet, chaque palier de ces terrasses concentriques jouit de son propre microclimat selon la profondeur.
Depuis Ollantaytambo, nous avons pris le train jusqu'au terminus d'Aguas Calientes, une bourgade très très touristique nichée au fond d'une profonde vallée en contrebas de Machu Picchu. Nous y avons dormi 2 nuits pour profiter de toute une journée sur le site archéologique le plus célèbre du continent (billets réservés à l'avance). Voir la cité inca perdue fut le clou de notre voyage mais l'afflux touristique, et surtout les groupes, gâchent un peu le plaisir ! La mythique cité inca demeura inconnue des conquistadors et resta dans l'oubli jusqu'au début du XXe siècle : seuls quelques Quechua connaissaient l'existence de Machu Picchu jusqu'à ce que l'historien américain Hiram Bingham le découvre en 1911, guidé par des habitants. En fait, Bingham recherchait la cité perdue de Vilcabamba, le dernier bastion des Incas, qu'il pensa d'abord avoir trouvé à Machu Picchu. Enfoui sous la végétation, Bingham et son équipe durent se contenter d'établir un vague plan et revinrent en 1912 et 1915 pour dégager le site. Les connaissances concernant Machu Picchu demeurent superficielles : certains pensent que la cité fut fondée lors des dernières années de l'Empire Inca, dans un ultime sursaut des Incas pour préserver leur culture ou rasseoir leur pouvoir ; d'autres supposent que le site était déjà déserté et oublié à l'époque de la conquête espagnole. Son emplacement spectaculaire et le fait qu'au moins 8 routes d'accès aient été découvertes suggèrent que la cité était le centre névralgique des échanges commerciaux entre les régions de l'Amazonie et de la Cordillère. Nous nous sommes levés de bonne heure pour commencer la visite dès 6h45 et voir le soleil illuminer petit à petit les ruines grandioses. Nous avons pris notre temps pour explorer chaque recoin (en allant même jusqu'au pont à bascule inca délaissé par les touristes) et admirer l'exceptionnelle qualité du travail de la pierre et l'abondance des ornements qui attestent que Machu Picchu fut un important centre cérémoniel. Toutefois, nous n'avons pas eu le courage de monter au Cerro Machu Picchu et nos billets ne permettaient pas l'ascension du Wayna Picchu (payante dorénavant). Le temps était radieux et chaud et nous avions prévu eau et nourriture dans nos sacs à dos pour tenir jusq'à 14h30. En redescendant en bus, nous nous sommes fait déposer à côté du Puente Ruinas pour visiter le musée Manuel Chavez Ballon qui propose de superbes présentations sur les fouilles réalisées sur le site de Machu Picchu et les méthodes de construction des Incas.